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Deklaracja w sprawie ukraińskiej, „Kultura” 5/356, 1977 r. / Sygn. AB00062
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Déclaration sur la question ukrainienne



De la Rédaction de Kultura, Kultura 1977, n° 5
Dans la présente déclaration que nous considérons comme un pas en avant, important et supplémentaire, dans la collaboration entre les émigrés de l'Est, il serait secondaire, et trop complexe pour le sens premier de la question, d'analyser similitudes et différences entre l'impérialisme russe du siècle dernier et l'impérialisme soviétique contemporain. L'essence de la question est l'impérialisme lui-même, quels que soient l'incarnation qu'il revêt, la motivation et le masque qu'il emploie, ou les circonstances historiques dans lesquelles il agit. Les torts infligés à l'Ukraine par l'impérialisme polonais séculaire ne peuvent être négligés ici. Sous toutes ses formes, ses objectifs et conditions, l'impérialisme asservit de la même manière les nations qui en sont victimes et empoisonne la nation qui en est porteuse. Cela affirmé, il existe tout de même une différence fondamentale que l'on ne peut ignorer : contrairement à la Russie tsariste, l'Union soviétique est aujourd'hui le dernier empire colonial au monde et, tôt ou tard, le mouvement mondial de libération nationale devra se tourner contre son existence anachronique.
Dans la structure impériale de l’URSS, deux degrés de dépendance existent : la « souveraineté limitée » dans ce que l’on nomme démocraties populaires d'Europe centrale et orientale, et la « non-souveraineté totale » dans les républiques incorporées à l’Union soviétique. Les Polonais, les Tchèques ou les Hongrois ont sans comparaison aucune plus de possibilités de préserver leur identité nationale et culturelle que les Ukrainiens, les Biélorusses, les Baltes ou les peuples musulmans. Les premiers sont soviétisés, mais pas encore russifiés. Les seconds sont soviétisés et russifiés, processus qui s’intensifient d’une année à l’autre. Pourtant le destin des uns et des autres est étroitement lié : il n'y aura pas de Polonais, de Tchèques ou de Hongrois vraiment libres sans les Ukrainiens, Biélorusses ou Lituaniens libres. Et, en fin de compte, sans les Russes libres. Les Russes libérés de leurs ambitions impériales, qui s’occupent de l’essor de leur propre vie nationale et respectent le droit à l'autodétermination des autres peuples.
Dans cette déclaration, nous situons les Ukrainiens au premier plan, en tant que la plus large nation conquise au sein de l'URSS, en tant que la nation qui – auprès des Lituaniens – lutte avec le plus de ténacité pour son Etat indépendant. En tout état de cause, nous nous efforçons de créer la situation qui permettrait aux Ukrainiens d’exprimer librement leur souhait d’obtenir une existence étatique libre.
En Ukraine, pendant une dizaine d'années du dégel sous Khrouchtchev, les descendants de la génération nommée « Renaissance fusillée » ont relevé la tête pour tenter de reconstruire, du moins en partie, ce qui avait été détruit sous Staline. C'est alors qu'ont eu lieu les répressions de Brejnev, qui se poursuivent toujours aujourd'hui. Rien pourtant n'indique que l'Ukraine ait capitulé. Au contraire même, ce sont les patriotes ukrainiens qui, en plus grand nombre, peuplent les prisons et le Goulag ; l’opposition ukrainienne est devenue, au sein de l’empire, le synonyme de la résistance nationale.
Dans notre déclaration, nous soumettons au public les trois questions qui suivent. En premier lieu : la cause ukrainienne elle-même ; en deuxième : la cause de toutes les autres natsmienchestva [minorités nationales, abréviation russe] qui depuis un bon moment sont devenues en nombre une natsbolchenstvo [majorité nationale] en URSS, et qui aspirent à l'autodétermination, au « droit à la sortie » garanti par la constitution soviétique. Enfin, la troisième question : la cause de la nation impériale elle-même ; il est dans son propre intérêt de comprendre rapidement la nécessité d’abolir le colonialisme soviétique, ce qui, et uniquement ceci, peut écarter la menace de massacres futurs en ce lieu.
Nous nous adressons plus spécialement à l'opposition russe en URSS et aux exilés politiques russes, en leur demandant de renforcer et approfondir leur collaboration avec les combattants pour l'indépendance de l'Ukraine.

Andrei Amalrik

Vladimir Boukovsky[1]

Zbigniew Byrski[2]

Józef Czapski

Jerzy Giedroyc, rédacteur en chef du mensuel Kultura

Natalia Gorbanievska[3]

Gustaw Herling-Grudziński

Józef Łobodowski

Vladimir Maximov, rédacteur en chef du trimestriel Kontinient

Tibor Méray[4], rédacteur en chef de Irodalmi Újság, périodique littéraire hongrois

Dominik Morawski

Viktor Nekrasov

Aleksander Smolar

Pavel Tigrid[5], rédacteur en chef du trimestriel "Svědectví".

[Sauf indication, les notes proviennent de l’anthologie : Zamiłowanie do spraw beznadziejnych. Ukraina w „Kulturze” 1947-2000 [La passion pour les causes désespérées. L’Ukraine dans Kultura] sous la rédaction de Bogumiła Berdychowska, éd. Institut Littéraire et Institut du Livre (Pologne), 2016.]

[1] Vladimir Bukovsky (1943 – 2019) : écrivain et dissident russe ; a passé 12 ans dans des camps ; expulsé d'URSS en 1976.

[2] Zbigniew Byrski (1913-1998) : journaliste, diplomate, collaborateur de Kultura.

[3] Natalia Gorbanievska (1936-2013) : poète russe, dissidente, traductrice de littérature polonaise ; arrêtée le 25 août 1968 pour avoir organisé une manifestation à Moscou contre l'entrée de l'armée du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie ; 1970-1972 envoyée en traitement psychiatrique forcé ; forcée de quitter le pays en 1975 ; installée à Paris a travaillé comme journaliste ; a reçu la citoyenneté polonaise en 2005.

[4] Tibor Méray (1924 - 2020) : écrivain hongrois.

[5] Pavel Tigrid (1917-2003) - journaliste, homme politique tchèque ; 1946-1948 rédacteur en chef de l'hebdomadaire Vývoj ; resté à l'Ouest en février 1948 ; entre 1951 et 1952, directeur des programmes du service tchécoslovaque de Radio Free Europe ; en 1956, fondateur de la revue Svědectví ; en 1990, de retour au pays ; puis, ministre tchèque de la culture et conseiller du président de la République tchèque pour les relations tchéco-allemandes.

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